Le mouvement « les médecins ne sont pas des pigeons » a trouvé spontanément un écho considérable dans la communauté médicale et bien au-delà, recensant en quelques jours plus de 38 000 membres sur Facebook.Ce mouvement est trans-générationnel et trans-sectoriel. Il réunit des internes, des assistants hospitaliers, des médecins généralistes, spécialistes, de secteur 1 ou de secteur 2, libéraux ou hospitaliers. Il exprime notre fatigue, notre colère de voir le système de soins se dégrader comme en témoigne la fermeture de services hospitaliers ou le non remplacement des médecins libéraux partis a la retraite. La moyenne d’âge des chirurgiens et médecins généralistes est de 55 ans, seuls 9 % des jeunes médecins s’installent en libéral (75 % en 1980). Qui nous soignera demain ?
Ces professionnels de la santé, des quatre coins de la France, se soudent pour défendre le métier, la mission qu’ils ont choisis. Mais au-delà d’un combat corporatiste, nous sommes entrés dans une dynamique sociale : la défense de notre système de santé solidaire. Ce mouvement vous concerne tous directement car il concerne votre santé.
Notre système sanitaire fonctionne sur deux jambes, l’hôpital public et le secteur privé, garantissant une liberté de choix auquel les français sont viscéralement attachés. Ces deux secteurs sont aujourd’hui à bout de souffle, non pas du fait de 200 médecins (sur 200 000 médecins) qui pratiquent des dépassements d’honoraires indécents mais de l’incapacité décisionnelle de nos dirigeants. La pénurie professionnelle qui abouti au désert sanitaire n’est en rien le fait des médecins mais elle a été gérée par des choix politiques : nos gouvernants ont « désaménagé » le territoire.
En trente ans, les tarifs des actes chirurgicaux n’ayant pas été revalorisés, c’est grâce au secteur 2 (compléments d’honoraires) que la chirurgie notamment a pu continuer à se développer ( pour exemple, l’exercice de la coelioscopie, méthode non invasive, permet aujourd’hui de soigner encore mieux des millions de patients et pour un moindre coût). Pourtant, le système, conforté par les récentes négociations conventionnelles de fin octobre, transforme le praticien en prestataire de service alors que le patient qui lui confie sa santé, attend une relation de confiance.
Il existe une vraie désaffection de spécialités médico-chirurgicales à risque en raison de l’explosion des primes d’assurance de responsabilité professionnelle, multipliées par 30 en dix ans pour certaines spécialités. Ainsi, un obstétricien doit réaliser l’équivalent de plus de cent accouchements pour payer sa prime d’assurance. Qui vous accouchera demain ?
Les déremboursements sont légions, les urgences engorgées, les burn out des soignants fréquents, les caisses vides mais les mutuelles engrangent 7 milliards d’euros de bénéfices. Alors que le gouvernement impose une traçabilité des actes des médecins, la surveillance des comptes des mutuelles, et leur transparence, vient d’être reportée en 2014. Grands seigneurs, les mutuelles mettaient 150 millions d’euros sur la table des négociations pour demain piloter l’avion de votre santé: sélection des praticiens, des établissements et planification de l’accès aux soins.
Notre pays traverse une crise sans précédent et la santé coûte cher. Des pistes d’économie importantes sont possibles et nombreuses : quellr est la part dans le budget des mutuelles qui revient aux soins ? quelles sont les économies possibles dans la prescription du médicaments (les médicaùents génériques coûtent deux fois plus chers en France qu’en Grande Bretagne), des transports médicalisés, etc. ?
L’avenant numéro 8 cristallise à l’inverse les oppositions de très nombreux confrères à juste titre. Cet avenant va détruire progressivement notre profession et n’offre aucun système de remplacement. Qui vous soignera demain ?
Soucieux de la qualité des soins et de notre avenir à tous, je suis totalement solidaire du mouvement de contestation qui mobilisera ma profession à partir du 12 novembre .
Pierre Bensa
Chirurgien esthétique
Dijon