Les brûlés au-delà de 70 % de surface doivent impérativement recevoir une couverture cutanée comme barrière physiologique antibactérienne.
Un épiderme humain pour les grands brûlés:
On pourra peut-être disposer bientôt d’épiderme humain en quantité illimitée pour soigner les grands brûlés. C’est en tout cas une perspective que laisse entrevoir une équipe de chercheurs français de l’ INSERMet qui vient de faire une avancée importante dans le domaine des cellules souches embryonnaires humaines.
Christine Baldeschi et Marc Peschanski sont en effet parvenus à forcer des lignées de cellules souches embryonnaires, maintenues en culture, à produire des quantités illimitées de kératinocytes. Ce sont les cellules de l’épiderme, la couche externe de la peau protectrice de notre durée et gardienne de nos fluides organiques.
Cette découverte publiée dans THE LANCET pourrait améliorer sensiblement l’arsenal thérapeutique pour les brûlés graves, ceux dont l’étendue et la profondeur des lésions met en jeu le pronostic vital. Depuis plus de vingt ans, en effet, les brûlés graves ont bénéficié de thérapies cellulaires taillées sur mesure.
Au début des années 1980, les travaux de l’Américain Howard Green, biologiste au Massachusetts Institute of Technology de Boston (MIT), avaient permis de mettre en culture l’épiderme des brûlés. Avec un prélèvement d’épiderme de la taille d’un timbre-poste, on peut en laboratoire, pour 135 000 euros et en 23 jours, obtenir près de deux mètres carrés du propre épiderme du brûlé. Aujourd’hui, la firme GENZYM basée à Boston, continue à fournir ce service aux centres de brûlés.
Oui c’est cher et long!
Il faut obligatoirement un «pansement» temporaire en attendant les autogreffes définitives.
L’enjeu est considérable : en effet, les brûlés au-delà de 70 % de surface (90 % voire 95 % ne sont plus rares) doivent impérativement recevoir une couverture cutanée comme barrière physiologique antibactérienne. Sinon, c’est la déshydratation, les septicémies, les infections rénales, et autres infections, qui menacent le pronostic vital des brûlés graves.
Pendant des décennies, les chirurgiens n’ont eu à leur disposition que les greffes prélevées de la propre peau saine des brûlés. Celle-ci, comme une terre fertile, cicatrise et peut même fournir plusieurs récoltes successives. Mais chez les brûlés graves (on en compte 350 par an en France), la surface saine restante ne peut fournir suffisamment de peau pour panser la brûlure. Les peaux animales et les greffes de peau de cadavres sont immanquablement rejetées.
D’où l’idée de Marc Peschanski de fournir un épiderme bourré de kératinocytes à partir de cellules souches embryonnaires qui n’expriment pas les antigènes reconnus comme étrangers par le corps. Déjà, une équipe autrichienne avait en 2006 fait des greffes de peau à partir de cellules de peau de fœtus humains : dix-huit mois après, ils n’étaient pas rejetés. C’était une piste à suivre.
L’équipe de l’Inserm et du Généthon a mis en culture pendant 40 jours des cellules souches d’embryons humains, mêlées à des cellules nourricières qui leur envoient des signaux chimiques spécifiques pour les encourager à se différencier en kératinocytes adultes. Surtout, cette lente maturation a enfin permis (personne n’y était parvenu jusqu’ici) l’assemblage in vitro d’un véritable épiderme constitué de multiples couches de ces kératinocytes. Un tissu organisé et vivant que l’on pourrait «stocker» au congélateur et fournir aux chirurgiens pour les soins des brûlés. Le futur ? Faire des kératinocytes à partir de cellules pluripotentes induites adultes prélevées sur des donneurs sélectionnés : en choisissant quelques centaines ou quelques milliers d’individus possédant certains antigènes du système HLA (qui commande le rejet des greffes) qui seraient des «donneurs universels», on aurait accès à une banque permanente de peau.